LA BOUILLOTTE DE PÉNÉLOPE
J’ai pas mal hésité à vous l’écrire celui-là. C’est un sacré morceau de moi. Mais à force de saouler Berly’ avec mes messages depuis deux jours. Je me lance et je vous crache mes mots. En résumé, souvenez-vous, j’ai eu une vie assez mouvementée ses quatre dernières années.
Petit recap’ chronologique :
- Un double cancer (les deux seins) en novembre 2016, une ablation à gauche, une tumorectomie à droite
- Douze chimios
- Un mari qui se fait la belle avec sa collègue de 10 ans de moins que moi
- Quarante-quatre séances de radiothérapie
- Le début de l’hormonothérapie, soit un petit comprimé par jour (préconisée tout d’abord pour cinq ans, puis dix)
- Trois anesthésies générales pour faire le DIEP, la reprise du DIEP et la greffe de peau, et puis le lipofilling
- Deux tatouages des aréoles en juin 2020.
« Avec tous ses effets secondaires,
vous ne pouvez jamais aller de l’avant et laisser la maladie derrière vous.
Elle est constamment là ».
Je me suis effondrée en sortant de son cabinet. Pourtant elle a été bien douce et très à l’écoute. Mais voilà, là s’en est trop. J’ai des bouffées de chaleurs depuis plus de 3 ans, je ne dors pas plus de deux heures d’affilées depuis autant de temps. Mon corps est épuisé. J’ai des sauts d’humeur, des nausées, des articulations douloureuses. Je ne mange presque pas, aucune envie de sucre, et pourtant je grossis, encore et encore. J’ai mal partout, mon corps, mes jambes sont lourdes. Je gonfle.
Quand on croit que tout est derrière nous, on nous rappelle tous les jours avec ce fichu petit comprimé blanc et ses multiples effets secondaires que cette maladie flotte autour de nous.
Depuis le premier confinement j’ai des maux de ventre fous, mon utérus me tiraille. En juin l’écho montrait des kystes à gauche, mais bon comme c’est un des effets secondaires de l’hormonothérapie aussi les kystes, on banalise un peu, suivi programmé en septembre histoire de surveiller tout ça quand même. Douleur pelvienne constante, nouvelle écho en septembre donc. Kystes à droite cette fois. On refait un bilan sanguin, et on reprogramme un rendez-vous pour décembre, toujours surveiller.
C’est, épuisée, que je me suis rendu à ce nouveau rendez-vous mardi, dans ce quartier des Batignolles que j’adore. J’ai passé les deux derniers mois, pliée en deux, une bouillotte sur le ventre, ma nouvelle copine. J’ai du rentrer chez moi pour m’allonger, deux après-midi début décembre. Laissant mes élèves, laissant mes AESH tout gérer.
Le diagnostique
est tombé, « dystrophie ovarienne bilatérale
en lien avec le traitement ». Bingo ! Mon utérus est depuis plus
de six mois en sur stimulation, comme pour un FIV. J’ai le ventre qui va
exploser. J’ai pris 4 kg en 4 mois. Alors voilà j’ai aussi pris ma décision. Hier
le 23 décembre, j’ai pris avec mon café du matin, mon dernier comprimé de
Tamoxifène.
C’est
décidé j’arrête l’hormonothérapie.
Oh
oui je vous vois bondir ! Et bien je m’en tamponne (c’est moche ok mais
vous voyez mieux mon état comme ça). Je n’ai pas dormi cette nuit, au delà des
bouffées de chaleurs habituelles, mon cerveau était lui aussi en ébullition.
Peser le pour et le contre. Craquer et pleurer. Vomir et encore pleurer.
Oh oui je vous entends! Je m’en voudrais si j’ai une récidive. Mais peut-être pas finalement. Ma vie n’est plus possible. J’ai tenu, tenu, tenu. Je n’y arrive plus. De toutes façons, même avec ce traitement je peux avoir une récidive...
J’ai mon rendez-vous de suivi avec mon oncologue à Curie le 10 février. Je ferai un point avec lui, ça fera sept semaines que j’aurais mis à la poubelle ma dernière plaquette vide de médicament. Peut-être qu’il aura une autre solution. Peut-être pas. Aujourd’hui la question n’est pas là.
En tout cas j’ai décidé de respirer et de tourner cette page. Je pensais l’avoir tournée en sortant mon livre. Mais non. Devoir aller chez la kiné pour essayer de soulager mes effets secondaires, me tire toujours en arrière. Je veux avancer. Après les drainages pour l’oedème lymphatique de ma main, les massages de mes cicatrices et de mon ventre encore dur, il va falloir masser, drainer mes jambes, et détendre mon dos…
En 2020, je rêve de perdre les huit kilos pris en quatre ans, de dormir des nuits complètes, de ne plus avoir mal partout tout le temps, d’être pleine d’énergie, de ne plus sourire pour vous rassurer…
Je
rêve d’oublier enfin ces quatre années.
En attendant je file voir ma copine la tour Eiffel. Mon thermos rempli de vin chaud, et mes écouteurs visés dans mes oreilles.
JOYEUX NOËL !
Un
peu de lecture pour ceux qui veulent aller plus loin sans me juger.
Commentaires
Enregistrer un commentaire