JE RIS. J'ETOUFFE. JE RESPIRE. JE VIS.
Mon fils ma bataille
J-2
Tu es collé contre moi. On regarde une émission policière. Tu adores. Je savoure ce moment. Pas l’émission qui m’ennuie un peu, mais toi lové dans mes bras, ta tête posée sur mon cœur. Tu adores l’écouter battre. Bientôt tu auras 11 ans. Tu grandis si vite. Quel fou rire quand, comme ça, sans savoir pourquoi, en plein milieu de ce reportage, cette idée improbable te traverse l’esprit, tu mets pause, et tu me dis :
« Maman je voudrais une soirée mousse pour mon anniversaire ! ».
Je ris tellement, que je manque encore une fois l’étouffement. Depuis qu’il est passé dans mes bronches, le COVID a laissé des traces. Une toux asthmatique m’oppresse quand je ris trop. Tu t’es alors une nouvelle fois figé, et tu m’as dit :
« Tu ne vas pas mourir, pas avant mes 11 ans… »
Une fois ma respiration retrouvée, je te propose d’attendre un peu avant d’organiser une soirée mousse. Comme ça, je pourrai mourir après avoir partagé cette folie avec toi. Tu m’as répondu que dans ce cas, on ne fera jamais de soirée mousse ... pour que je ne meure jamais.
J-1
Aujourd’hui, c’est le dernier jour de tes 10 ans. En plein confinement tout semble étrange et pourtant on est serein, nous deux. Tu commences cette journée avec un Live Fortnite. Youtube te propose de visionner le dernier discours du Président ; tu t’étonnes, et tu débarques dans la cuisine, où je bois mon précieux café du matin en me disant :
« Maman, il a plus de 800 000 vues son discours… c’est énorme… même Michou ne fait pas autant ».
Je ris. J’étouffe. Je respire. Je vis.
Tu es si fou. Un peu plus tard aujourd’hui, tu es venu t’asseoir à côté de moi, je travaillais, assise devant mon ordi, sur mon bureau improvisé dans la cuisine et puis tu m’as tendu ton Ipad :
« Maman tu crois que ça s’achète un char de la deuxième guerre mondiale ? Un vrai hein, pas un jouet ».
J’ai éclaté de rire, encore. Tu es incroyable, on a du chercher un bon bout de temps avant de trouver une vente aux enchères, dans le Puy de Dôme. Zut, elle a eu lieu en 2016. Tu m’expliques avec sérieux que tu voudrais habiter dans un char. Ta passion pour les guerres, pour l’Histoire me rend un peu plus fière de toi.
Je ris. J’étouffe. Je respire. Je vis.
Ce soir tu as choisi le film, je suis assez mitigée. Mais tu as des arguments :
« Moi je te fais découvrir les Avengers et toi des sculpteurs (référence à notre dernière sortie au musée Rodin, qu’il a fallu bien préparer et argumenter pour une fois), c’est de la culture générale maman … » BAM.
Je ris. J’étouffe. Je respire. Je vis.
Tu connais par cœur tout Goldman, merci le nouveau P.V.P. musique (prof de la Ville de Paris) de ton école, qui vous apprend TOUTES ses chansons cette année. On révise et on chante a tue-tête. C’est si bon de danser et chanter avec toi sur « Ensemble », « Il suffira d’un signe » et tant d’autres chansons. Notre cuisine se transforme en salle de classe, en piste de danse, en atelier expérimental et créatif.
Je ris. J’étouffe. Je respire.
Jour J
Tu as commencé très fort, réveil trop tôt, je comptais bien dormir deux heures de plus. J’ai organisé une journée particulière pour toi. Tu as 11 ans aujourd'hui. J’espère que tu t’en souviendras un peu. Tes amis sont passés te souhaiter un joyeux anniversaire sous nos fenêtres. La banderole accrochée sur le trottoir d’en face t’as beaucoup embêté ce matin. Tu détestes qu’on te remarque. Et pourtant à midi tu m’as dit "merci", que c’était le plus bel anniversaire de ta vie. Alors ces magnifiques cup-cakes qu’on avait fait le matin, ont été ta fierté quand tu as soufflé tes bougies sur ZOOM avec tes copains, de Paris, de Colombes et d’ailleurs. Bonheur de te voir passer un temps fou avec eux. Nous sommes allés, en début de soirée, faire une photo avec notre tendre amie la Tour Eiffel pour immortaliser cette journée . Avoir 11 ans et être confiné à moins d’un kilomètre d’elle nous rend tellement chanceux. On savoure. La soirée était plutôt calme, une fondue savoyarde (tu as choisi le menu de ta journée, notre poissonnier et notre fromager ont trouvé que tu avais bon goût) et un vieux film. Tu as choisi le programme encore une fois « On a retrouvé la 7ème compagnie ». Un peu avant la fin. J’ai mis pause, et je t’ai proposé un concours de lancé de bombes à eaux, avec les ballons qu’il nous restait. Tu ne me croyais pas :
« Vraiment, maman, on peut faire ça ».
Ben oui, à 23h, avec un peu de folie, et du champagne, on peut tout faire. On a donc visé les dessins à la craie fais par tes copains sur le sol chaud du trottoir sous nos fenêtres. Tu as gagné. On a terminé cette journée avec les nouvelles publications de CulturePub. Tu es fan. Je t’aime. Ce jour c’est ton jour et mon jour. Car sans toi, mon « mât » je ne serai plus là. Tu m’as donnée et tu me donnes la force de rester debout, de vivre.
Je ris. J’étouffe. Je respire.
J+1
Je suis épuisée. Tu t’es endormi contre moi. Tu as besoin de t’endormir avec moi si souvent en ce moment. Je ne ma bats plus. Ta peur de la mort, de ma mort, te hante souvent ; le soir quand on doit s’endormir tu penses sans doute un peu trop à nos années de tempêtes. Alors je te prends contre moi. Ta respiration m’apaise aussi finalement.
J+2
Tu es parti. Tu es chez ton papa. C’est le vide autour de moi. J’essaie de respirer. Je dois apprendre à respirer sans toi. Je suis seule et j’ai besoin d’être aimée. Je m’autorise parfois à être femme. Pas vraiment simple. Mais tellement bon. Peut être qu’un jour, un autre homme que toi m’aimera.
Je ris. J’étouffe. Je respire.
Mon cœur ; toi et moi on est solide, je te souhaite une nouvelle décennie belle est douce. Remplie de fous rires avec moi, mais avec des tas d’autres personnes; tes cousins, tes tantes, ta mamie, tes amis, tes chéri.e.s , parce que tu as tellement d’amour en toi. Surtout n’oublie pas que tu es magique, que la vie et magique. Et que je t'aimerai toujours quoi qu'il arrive.
Rendez-vous pour tes 20 ans, pour trinquer assis sur un char, avant une soirée mousse…
Je t’aime.
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